21BN-Donny Walsh

22 Octobre 2021
Article par : Claude Côté

Donnie Walsh
alias M. Downchild

Sepia image of Donnie Walsh

Donnie Walsh "M. Downchild"

Sepia image of Donnie and Richard Walsh

Donnie Walsh et Richard "Hock" Walsh - Au début

Le patriarche bleu canadien était de passage au festival Trois-Rivières-en-blues au mois d’août dernier avec son groupe The Legendary Downchild Blues Band, fondé en 1969. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions à brûle-pourpoint dans le lobby de son hôtel, quelques instants avant son retour chez lui en Ontario. Parce qu’après tout, Donnie Walsh est indiscutablement une légende du blues canadien n’est-ce pas? Entretien.

L'image peut contenir un saxophone, microphones, guitar, musiciens

Trois-Rivières-en-blues

Photo J.-F. Desputeaux

J’ai tellement d’admiration pour le bonhomme. J’en tremblais en réglant le dictaphone de mon portable dans la cacophonie ambiante tout en observant mon interlocuteur septuagénaire masqué de COVID qui avait gentiment accepté l’entrevue. Tous mes souvenirs remontent à la surface, toutes les fois que j’ai vu le groupe en 40 ans, dont cette fois en 1995, où j’ai engagé Downchild en tant que directeur artistique d'une salle de spectacles à Montréal. Pour 700 dollars!! Le principal intéressé ignorait le montant du cachet négocié avec son agent. Au moment de payer le groupe en espèce, il refila la tâche de percevoir le montant à son saxophoniste Pat Carey: ‘’Do the dough’’ lui avait-il sommé. 
J’avais devant moi des mercenaires de la route, une autre ville, une autre salle...

Downchild Blues Band, dont le nom de groupe est inspiré d’une chanson de Sonny Boy Williamson, Mr. Downchild, c’est des albums tonitruants de blues qui swinguent avec une dynamique implacable, des chansons remplies d'urgence et de joie de vivre mais d’abord et avant tout des chansons originales d’une grande qualité d’exécution. Au point ou The Blues Brothers reprirent trois de leurs chansons sur l’album de 1978, Briefcase full of blues. Le retour d'ascenseur d’un Dan Aykroyd enthousiaste, originaire d’Ottawa, qui a fait le trajet vers Montréal lors d’Expo 67 juste pour voir Sam & Dave et qui venait de créer les frères blues avec Belushi. Mais vous savez tout ça.

Si le groupe existe encore aujourd’hui c’est bien parce que Donnie Walsh est là, avec son sac à trucs, sa guitare qui slide et son harmonica qui crépite. En cumulant toutes ces soirées mémorables dans leur repaire, le Grossman’s Tavern, puis dans les bars-spectacles de Toronto, Colonial Tavern ou El Mocambo. Parce que l’effectif a eu plus de cinquante musiciens au fil des années dont le guitariste Kenny Neal et le trompettiste Wayne Jackson (Memphis Horns) et plusieurs sont décédés,à commencer par son frère Hock qui était le chanteur original mais qui est revenu dans le groupe à la fin de sa vie. Jane Vasey, une formidable pianiste de boogie woogie emportée très jeune par le cancer. Tony Flaim d’Ottawa, est passé comme une comète, sa voix costaude et chaude a enveloppé d’amour tout le répertoire du groupe surtout en 1981 sur l’album Blood Run Hot, John Witmer chantait merveilleusement bien Tramp sur But, I’m on the guest list (1982),jusqu’à ce que Chuck Jackson en assure avec brio le rôle de blues shouter depuis trente ans, même affaibli par la maladie lors du spectacle à Trois-Rivières. 50 ans de carrière. On s’incline bien bas.

Claude Côté: Bravo pour votre carrière.

Donnie Walsh: Je ne sais pas quoi faire d’autre.

CC: Le groupe a un son unique même si les références sont nombreuses. Comment expliquer votre longévité? 

DW: Il y a plusieurs musiciens de blues dans le paysage, dans notre cas, plusieurs ont décidé à un moment donné de passer à autre chose et il faut les remplacer donc le groupe change d’identité à chaque fois. Pas tant au niveau du style de musique que nous jouons, mais davantage au niveau musical.

CC: Parlez-nous du disque But I’m on the guest list (1982)qui a été enregistré au El Mocambo. 

DW: Oh, ça fait longtemps! Nous étions le house band du El Mocambo pendant 36 semaines en 1982 et nous n’avons pas pu compléter (notre résidence) nos dates parce que nous étions constamment sur la route, en tournée.

CC: Vous considérez-vous comme le leader du groupe? Est-ce que vous dirigez vos musiciens?

DW: En fait, chacun apporte sa personnalité et son talent tout en connaissant très bien la signature sonore du groupe, donc pas besoin vraiment de leur dire comment faire (rires)

CC: Est-ce que Pat Carey (saxophone) et Gary Kendall (basse) sont les deux plus anciens?

DW: Mmm, je ne sais pas! 

CC: Donnie Walsh, vous avez été intronisé au Panthéon des auteurs-compositeurs canadiens en 2018 pour votre chanson Almost (I Got Everything I Need), votre impression?

DW: C’est bien d’être reconnu pour son travail et que suffisamment de gens l’ont aussi remarqué au point de recevoir une mention (award). 

CC: Il y a eu une cérémonie n’est-ce pas?

DW: De ce que je me souviens, oui.(rires)

CC: Je vous ai vu au Maple Blues Awards en 2016 à Toronto parmi une horde de musiciens et musiciennes de blues de la grande région de Toronto (GTA). Comment expliquer l’abondance de musiciens de blues provenant de Toronto?

DW: Toronto est une extension d’où provient le blues. Il y a toujours eu une petite communauté blues, autant que je me souvienne au début des années 70 sur l’avenue Spadina et ça c’est propagé depuis, ça a pris de l’expansion. 

CC: Comment envisagez-vous les prochains mois, années, avec Downchild, entre autres au niveau de la sortie d’albums?

DW: Quand les membres du groupe ont écrit assez de nouvelles chansons pour en faire un disque on en publie un, tous les musiciens contribuent à la composition et le foisonnement d’idées est une chose saine dans un collectif. Quand on arrive à dix ou onze nouvelles on les regroupe sur un album. C’est un processus différent que d’enregistrer toutes les chansons d’un seul coup en studio. 

CC: Lorsque vous êtes sur scène à divertir un public, un auditoire, quelle est la plus grande satisfaction que vous vivez à ce moment précis?

DW: Le fait de jouer sa propre musique et de voir les visages des gens en guise d’approbation, la réaction visuelle. C’est le but de l’opération finalement, si personne ne réagit…

CC: C’est comme jouer au hockey dans un amphithéâtre vide à cause de la COVID…

DW: Si on veut, mais il y a quand même des gens qui vous regardent à la télé!

CC: Quel souvenir gardez-vous de Jane Vasey et Tony Flaim qui nous ont quittés prématurément et qui furent des membres actifs du groupe?

DW: Quand elle est arrivée (fin années 70) elle rejoignait un groupe de gars (bunch of guys) qui est devenu un groupe de gars avec une fille. Elle était l'une de la gang tout de suite et elle était une pianiste hors-pair qui a vite saisi la nature de notre musique. Tony était davantage un shouter que Hock qu’il remplaçait. Deux styles de chanteurs aux cordes vocales différentes. 

CC: Vous avez influencé tellement de monde, où serait la scène blues canadienne sans votre apport?

DW: Je n’y ai jamais vraiment songé. Là, je vais penser à cette question pendant tout le trajet du retour (Trois-Rivières-Kitchener)!

Fin.
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